STRUCTURES EDITORIALES, LECTEUR ET AUTONOMIE DE L’ECRIVAIN : L’ECRIVAIN IVOIRIEN ENTRE « LE MARTEAU ET L’ENCLUME ».
LES CAS KOUROUMA ET VENANCE KONAN
RAYMOND GBAZALE
Doctorant, Université Felix Houphouët Boigny d’Abidjan, Côte d’Ivoire.
RESUME : La présente proposition pose la problématique de l’autonomie d’Ahmadou Kourouma et de Venance Konan dans l’expression de leur art associé à leur désir de notoriété. Il s’agit d’évaluer les relations entre les deux écrivains et leurs lectorats, entre eux et les structures d’édition en termes d’attentes mercantiles des éditeurs ; puis d’évaluer l’impact de ces relations sur leur autonomie en termes d’écriture ou de qualité esthétique de leurs œuvres. Cet article interroge l’objet ou les motivations de l’écriture des deux écrivains, à savoir pour qui écrivent-ils, à partir des « formes d’engagement » de ceux-ci. Ainsi les attentes des deux agents du champ (lecteurs et éditeurs) placent l’auteur dans une situation inconfortable, celle d’une pression réelle qu’on pourrait qualifier de « marteau et l’enclume » ; et qui reconfigure certainement les frontières du champ littéraire.
Mots-clés : Champ littéraire, lecteurs, éditeurs, autonomie d’écrivain, mercantilisme.
Abstract: This paper investigates the question of the autonomy of Ahmadou Kourouma and Venance Konan through the expression of their art associated with their desire of notoriety. It is evaluating the relations between both writers and their readers, between them and the publishing structures in terms of mercantile expectations; and then assess the impact of these relationships on their autonomy in terms of writing or aesthetic quality of their works. This article questions the object or the motivations of the writing of both writers, namely for whom they write, starting from their ‘‘forms of engagement’’. Thus the expectations of the two agents of the field (readers and publishers) place the author in an unconfutable situation, that of real pressure which could be called ‘‘harmer and anvil’’; and which certainly reconfigures the boundaries of the literary field.
Keywords: Literary field, reader, publisher, writers’ autonomy, mercantilism.
INTRODUCTION
L’œuvre littéraire dans son cheminement a beaucoup évolué au point où la littérature n’est plus innocente et se place désormais au centre de plusieurs enjeux (sociaux, économiques et politiques). Cette nouvelle fonction de l’écriture donne un rôle primordial à l’écrivain, non sans conséquence sur son autonomie ou sa liberté d’écriture. Dans l’espace littéraire africain et notamment ivoirien, l’écrivain occupe une place de choix dans l’histoire et l’évolution de la jeune nation ivoirienne. En tant qu’acteur majeur, il est au centre de plusieurs tensions, lesquelles proviennent essentiellement de sa collaboration avec l’éditeur et ses lecteurs qui influencent inexorablement son art et par-delà sa liberté de création. Ainsi face aux mouvements sociaux et aux attentes des lecteurs, face aux appétits mercantiles du monde de l’édition et plus largement l’offre du secteur de l’information, mais surtout face aux attentes du champ littéraire ; comment Kourouma et Venance conçoivent ou inventent-ils l’acte d’écriture et de publication ? En d’autres termes, quelles sont les différentes attitudes posturales qu’épousent Kourouma et Venance Konan dans leurs écrits pour être en phase avec certains agents du champ (lecteur et éditeur) ? Quel type d’autonomie découle des choix posturaux des deux écrivains dans leurs relations avec les agents cités supra du champ littéraire ? D’où le choix des notions de « le marteau et l’enclume » qui sont deux instruments utilisés par le forgeron, la pièce à forger étant frappée avec un marteau sur l’enclume. L’expression désigne le fait de se trouver dans une situation dangereuse entre deux camps opposés. Ces deux notions nous permettent de mettre en relief la situation d’impasse dans laquelle se retrouve l’écrivain dans l’exercice de son art. Le choix des productions de Kourouma et de Venance illustrera cette étude à la lumière de la théorie bourdieusienne et de celle de Gisèle Sapiro. Ces deux auteurs sont des témoins crédibles de l’évolution de l’histoire du champ « littéraire ivoirien », du rapport de l’écrivain avec sa société (lecteurs) et ses éditeurs.
Nous explorons dans cette étude plusieurs aspects de la « carrière » de l’auteur, entendue au sens large d’un parcours, d’une pratique, d’une façon d’être et de faire. L’interaction dans le texte ou comment les deux auteurs font éventuellement intervenir d’autres regards, celui de l’éditeur dans son élaboration, mais aussi celui des lecteurs et des évènements historiques. Comment se passe la reconfiguration des intermédiaires, en particulier celle du rôle de l’éditeur dans la filière du livre, premier interlocuteur de l’auteur. Cet ensemble de préoccupations majeures souligne trois hypothèses :
- De la responsabilité de l’écrivain ivoirien : entre militantisme et conscience littéraire ;
2) Ahmadou Kourouma et Venance Konan deux écrivains entre « le marteau et l’enclume »
3) Kourouma et Venance, entre pression du lectorat et influence des organes de production : Quel impact sur l’autonomie du champ littéraire ?
- DE LA RESPONSABILITE DE L’ECRIVAIN IVOIRIEN : ENTRE MILITANTISME ET CONSCIENCE LITTERAIRE
1-Ecrire pour parler aux autres ?
Toute production littéraire a un destinataire, en l’occurrence le lecteur qui en est le récepteur principal. Cette première étape de notre analyse nous permet d’évaluer le rapport écrivain-lecteur et la place réelle du lecteur dans l’élaboration de l’œuvre d’un auteur. Dans un débat qui opposait des littéraires sur la définition et la fonction de la littérature et même de l’écrivain, voici ce que répondait Merleau-Ponty à Sartre :
Il y a une littérature qui vise à prouver et à convaincre, qui sert des causes, qui est en ce sens un appel à la liberté. Pourtant le premier devoir d’un écrivain, l’article premier de l’éthique littéraire n’est pas de servir la bonne cause, c’est de faire un bon livre (M. Ponty, 1955, pp. 270-271)
A notre sens, il ressort de cette pensée deux hypothèses : d’abord la démarche littéraire consiste à militer et à s’engager pour la société dans ses préoccupations les plus légitimes, ensuite originellement l’engagement par la littérature s’oppose à l’éthique littéraire qui privilégie une écriture dépassionnée et autonome par la fiction et l’imaginaire.
Le constat en Afrique est palpable et épouse plutôt la première hypothèse. La plupart des productions littéraires du continent noir honorent très peu l’éthique littéraire. Elles optent plutôt pour un engagement en lien direct avec les aspirations du lecteur. Nul n’ignore que les littératures africaines dans leur majorité sont aux couleurs des contextes sociaux économiques et politiques des espaces qui les ont engendrées. On assiste ainsi à la naissance d’écrivains porte-parole d’une communauté (des écrivains engagés) ou encore des écrivains de mission et en mission. David Ngoran (2017, p. 4), énumère trois états de la vie sociale et politique africaine : la colonisation (1925-1935), la décolonisation (1956-1969) et les postindépendances (1960-1970) qui sont révélateurs du rôle et de la responsabilité de l’écrivain africain et qui partant déclinent les différentes facettes ou identités de l’évolution de l’histoire du champ littéraire africain. D’abord la littérature africaine dans ses premières œuvres a consisté à chanter les louanges du colonisateur, puis vient celle des luttes pour les indépendances et enfin celle des contestations des nouveaux régimes africains. Par ailleurs David Ngoran n’hésite pas à rappeler les querelles au cœur du débat littéraire africain, notamment celles entre Césaire et Depestre, Mongo béti et Camara Laye, David Diop et Mongo Béti
Depestre à la suite de Louis Aragon avait prôné le retour aux formes de la poésie classique (alexandrin, sonnet), quand Césaire, en réponse, écrivit un poème en vers libre pour l’inviter à cultiver l’inspiration nègre, c’est-à-dire à « battre le bon tam-tam ». A son tour, Mongo Beti s’en prit à Camara laye qui dans l’enfant noir évoque son enfance alors que la Guinée était au plus fort de l’exploitation coloniale. Mongo Beti dû subir également les reproches de David Diop pour le ton pas assez engagé de mission terminée. (Ibid, p.11)
Dans ses propos, le critique dévoile le « mot d’ordre » des chefs de file de la littérature africaine qui conditionne à la fois l’écrivain africain et détermine inéluctablement l’horizon d’attente du lecteur africain.
Ainsi la littérature africaine n’est-elle pas restée indifférente des évènements socio-historiques de son temps et du continent noir. Bref, la pratique d’une littérature sans étiquette semble être une illusion ou du moins est une position intenable.
Évidemment que depuis le 19ème siècle, la littérature transcende les débats idéologiques et vise son propre culte. L’écrivain refuse d’asservir systématiquement la littérature à un public et à un sujet déterminé.
Cependant, un éthos du désintéressement ne nie-t-il pas le rôle d’acteur social de l’écrivain et l’impact social de la littérature ? Gisèle Sapiro estime que
La question de la responsabilité morale de l’écrivain est indissociable de la prétention, inscrite dans sa pratique professionnelle. C’est pourquoi elle est toujours prise au sérieux, même par les tenants de la gratuité de l’art, et ne peut jamais être définitivement écartée du débat sur la définition de la littérature et sur le rôle social de l’écrivain (G. Sapiro, 1999, pp. 696-697).
Pour Robert Escarpit
Il ne peut y avoir de littérature sans une convergence d’intentions entre l’auteur et le lecteur ou tout au moins une compatibilité d’intention…quand l’écrivain et le lecteur appartiennent au même groupe social, les intentions de l’un et de l’autre peuvent coïncider (R. Escarpit, 1958, p. 109)
En d’autres termes, l’écrivain partage le même espace que son lecteur et il ne peut échapper à la tentation d’une complicité d’opinion avec celui-ci. Et c’est d’ailleurs ce qui donne sens et légitimité à la littérature.
Plusieurs écrivains francophones confirment cette réalité. Raphaël Confiant : « j’écris pour deux types de lecteurs : d’abord pour les martiniquais ; quand j’écris c’est eux que j’ai en tête. Mais j’écris aussi pour un lecteur virtuel mondial amoureux de la littérature » (R. Confiant, cité par L. Gauvin, 2007, p. 107). Dans son écriture, il se montre en phase avec son espace originel non sans s’ouvrir au lecteur universel. Quant à Robert Chartrand, il affirme
Or comme je ne veux pas faire des livres folkloriques, anecdotiques, il faut que j’arrive à amarrer mon thème avec une vision universelle. Je ne veux pas sortir cette chose palpitante, vivante et la lancer telle quelle à la face du lecteur. Je dois trouver le moyen de partager cette expérience intime avec le lecteur (R. Chartrand, 1997, p. D.4)
Dans une logique de collaboration parfaite avec son lecteur, Chartrand étale son souci de proposer une œuvre en adéquation avec l’intérêt du lecteur.
Au total, tout écrivain qui écrit une œuvre vise une ou des communautés ou encore un lectorat particulier. En conséquence, le jugement du lecteur face à une œuvre devient la préoccupation principale de tout écrivain. En outre, le lecteur tient une place prépondérante dans l’élaboration de l’œuvre et il hante continuellement l’esprit et le travail de tout auteur. Ainsi, le lecteur se présente-t-il comme le compagnon de tous les jours de l’écrivain, il l’aide, le guide et canalise son inspiration ; et s’impose même à lui d’une façon ou d’une autre. L’écrivain est ainsi conditionné dans son écriture par l’opinion du lecteur dont il ne peut nier l’existence et les attentes. Le champ littéraire prend ainsi la couleur du temps de ses écrivains comme on a pu le constater dans l’histoire des champs africains à une époque donnée. Comme quoi l’autre fonction de la littérature est de prendre position donc de s’adresser à l’autre. Qu’en est-il spécifiquement de la littérature ivoirienne ?
2- Contexte de naissance de la littérature ivoirienne
Comme souligné dans les lignes précédentes, l’histoire littéraire africaine porte en soi les stigmates du contexte historique de la création des Etats africains ; c’est à dire celle de la colonisation. La Côte d’Ivoire n’étant pas exclue de l’histoire globale des Etats africains, la littérature ivoirienne est également fille de la colonisation comme en témoigne les propos de Jean François Kola : « la littérature ivoirienne écrite, à l’instar de bien d’autres littératures africaines d’expression étrangère, est une conséquence heureuse, à certains égards, du fait colonial » (Jean François Kola, 2005, p. 141)
En effet, c’est grâce à l’école coloniale que la littérature ivoirienne voit le jour à l’EPS de Bingerville avec la toute première œuvre les villes (1933) de Bernard Dadié. La colonisation à travers son système d’enseignement colonial engendre un public de lecteur et une élite intellectuelle capable de conduire une réflexion à même de susciter des aspirations nationalistes. La colonisation venait ainsi d’ouvrir la boîte à pandore de sa propre négation. Les jeunes créateurs ivoiriens, précurseurs de la littérature ivoirienne, après un petit temps d’observation et de collaboration, placeront très vite leurs littératures aux couleurs et aux ordres des préoccupations politiques et sociales des populations ivoiriennes pour dénoncer la colonisation. Le militantisme des écrivains ivoiriens contre la colonisation dévoile à travers la poésie, des pièces de théâtre, des romans etc. les tares de la colonisation. Suivra ensuite l’ère de contestation des nouveaux régimes. Le contexte socio-historique et colonial a donné de la matière à l’objet de la littérature ivoirienne. Les écrivains ivoiriens ont fait de la littérature un lieu d’affirmation de soi et de revendication.
Nous analyserons l’histoire de la littérature ivoirienne et de son champ littéraire à partir des œuvres de Kourouma et de Venance Konan qui sont au nombre des principaux acteurs de la mémoire littéraire ivoirienne. Quelles relations entretiennent-ils avec leurs lecteurs et comment intègrent-t-ils leurs préoccupations dans leurs écritures. Nous le verrons par le choix de la thématique et de la langue.
3-La thématique et la langue dans le choix du public-cible de l’écrivain.
« Ecrire donc, mais pour qui ?» une telle interrogation conduit à saisir plusieurs aspects de l’écriture d’un auteur sinon au moins deux : le premier élément de réponse est celui du choix de la thématique ou de l’objet de la littérature. Le second est le choix de la langue d’écriture. Ces deux principaux éléments revêtent plusieurs enjeux à notre sens s’agissant d’identification du public cible d’un écrivain. F. Schuerewegen citant Iser et Austin déclarait
Pour qu’un acte de langage réussisse, rappelle Iser, Austin avait proposé trois formes de conditions de succès : 1) une série de « conventions » communes entre locuteur et destinataire, 2) un ensemble de « procédures reconnues » par les deux partenaires de la communication verbale et 3) la « disponibilité » des participants à prendre part à l’acte linguistique. (F. Schuerewegen, 1987, p.327)
L’interaction verbale entre Kourouma et ses lecteurs à travers ses œuvres semble décrire un modèle de coopération parfaite entre un écrivain et ses interlocuteurs (lecteurs). En effet, Kourouma est l’un des auteurs qui fait plus corps avec son lecteur. Les Soleils des indépendances (1970) est le prototype d’une écriture de dialogue d’un écrivain avec son lecteur, tant dans la thématique que dans le langage.
D’abord au niveau thématique, cette œuvre aborde la question de la décolonisation des peuples noirs, une thématique au cœur de l’actualité socio-politique du continent noir à l’époque. Le personnage de Fama Doumouya, un prince déchu, devenu charognard du fait de la colonisation est évocateur
Fama se récriait : « bâtard de bâtardise/ Gnamokodé » Tout manigançait à l’exaspérer. Le soleil ! Le soleil ! des indépendances maléfiques remplissait tout un côté du ciel, grillait, assoiffait l’univers pour justifier les malsains orages de fin d’après-midi (Les Soleils des indépendances, p.9)
Ce fragment de texte traduit l’indignation de Fama face à un soleil infernal et à l’origine de sa déchéance. Kourouma met ainsi en exergue la situation d’après-colonisation et son corollaire de partis uniques. Cette thématique évidemment converge bien avec les attentes du lectorat noir et démontre la complicité de Kourouma avec celui-ci.
C’est d’ailleurs les mêmes procédés que Kourouma utilise dans Allah n’est pas obligé avec la thématique de la guerre. Il donne une représentation du quotidien amer et infernal des populations africaines récemment décolonisées faite de guerre tribale et de désespoir. Quant au Vote des bêtes sauvages, Kourouma critique les dictateurs africains. Au total le succès de Kourouma repose sur le fait que les thématiques de ses ouvrages cadraient parfaitement avec les préoccupations du moment du lecteur africain francophone confronté à la colonisation, à la décolonisation, aux dictatures et guerres tribales.
Quant à Venance Konan, ce journaliste de la scène littéraire ivoirienne ; il se fait à travers une fictionnalisation de la réalité, l’écho de la dernière crise qu’a traversée la Côte d’Ivoire. En effet dans Le Rebelle et le Camarade Président, Venance Konan par la caricature et l’humour tourne en dérision certains acteurs de la scène politique ivoirienne. David Ngoran donne une analyse onomastique des personnages de Le rebelle et le camarade président et dévoile le jeu de correspondance de Venance Konan avec les acteurs de la dernière crise ivoirienne
Le Christ de Vava » : « le Christ de Mama » (de la façon dont la presse de l’opposition d’alors nommait l’ancien président Laurent Gbagbo), lui-même comportant des traits du « camarade président » /« Le général Noêl » : « Papa Noêl » (sobriquet affectif du général Robert Guei à son heure de gloire après le coup d’Etat de 1999)/« Le vieil homme aux éternels costume trois pièces » : « Félix-Houphouët-Boigny »/« Le sergent-Chef Issé » : « le sergent chef IB »/« Le leader charismatique du nord » : « Alassane Ouattara » /« Le Chef d’Etat major : le général Béou » : « Le général Doué »/« Déblégou, le leader que l’on avait accusé d’avoir triché pour avoir sa licence d’anglais » : « l’anagramme de Blé Goudé, le leader des Jeunes Patriotes »/« Oros, le petit gros portant la barbichette » : « Guillaume Soro par son anagramme»/« Tawako, le rebelle qui tenait dans son parc-auto les voitures les plus chères au monde » : « Issiaka Watao, chef rebelle (D. N’goran, op. cit. p.7)
On peut poursuivre ce jeu de correspondance avec l’extrait suivant du discours du camarade président :
Vous le savez, moi, je ne suis pas un héritier. Mon père ne m’a donc pas laissé le pouvoir. Je ne suis pas un milliardaire. Je n’ai donc pas acheté le pouvoir. Je ne suis pas non plus un militaire. Je n’ai donc pas pris le pouvoir par la force. Je ne suis que le fils des élections. C’est Dieu qui m’a donné le pouvoir à travers les élections… (Le rebelle et le camarade président p.19)
Ce discours ressemble fort bien à celui de l’ex-chef de l’Etat de Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo. Au total, Venance Konan présente une écriture qui ne serait qu’une « addition de procédés vulgaires consistant à accumuler des évènements et à déguiser des personnages en leur ajoutant de la couleur locale » (Pierre-Louis Rey, 1992, p.25). Dans Les prisonniers de la haine Venance Konan baigne dans une sorte d’oralité littéraire à l’instar de Kourouma, par un détournement des usages de la langue française et l’intégration des dialectes dans son écriture. Il introduit la langue parlée des paysans et des vagabonds de Côte d’Ivoire dans son roman. Il stigmatise à travers une écriture et un langage hybride (le français associé au nouchi et au baoulé etc.) les phénomènes sociaux du continent noir telles la guerre du Liberia et les dépravations de mœurs ivoiriennes
yako (expression ivoirienne pour marquer la compassion) (p.94), sa go (une copine) (p.75) ziguéhi (dans le milieu des loubards une personne qui aime utiliser les armes(p.39), ces po (policier en langage loubard(p.49), polihet (une danse de l’ouest du pays) p.54, gbaka (minibus servant de transport à Abidjan) (Les prisonniers de la haine)
Venance Konan se livre ainsi à une sorte de « transmutation littéraire » (Casanova, 2008) du langage populaire traditionnel et même de la rue.
Ce type d’écriture souligne l’enjeu de Venance Konan de cibler un public lecteur particulier (ses concitoyens) et de « faire corps » avec les préoccupations ou l’actualité de ceux-ci. Gisèle Sapiro affirme que « Les producteurs n’échappent pas aux contraintes qui régissent le monde social… » (G. Sapiro, op. cit., 2016, p.53). Et David Ngoran de s’interroger si « L’impossibilité de l’écriture littéraire en temps de crise n’est-elle pas symptomatique du dépérissement de l’autonomie du champ littéraire sous la forme d’une littérature en crise ? » (D. Ngoran, loc. cit., p. 7)
En conséquence, les postures de Kourouma et de Venance associées à leurs stratégies d’écriture indiquent clairement une oscillation entre champs politique et littéraire des deux acteurs. Ahmadou Kourouma et Venance Konan campent parfaitement une posture de porte-parole d’un groupe social à travers une thématique proche de l’actualité de celui-ci : colonisation, dictature, guerre civile, violence urbaine, rébellion etc. Mieux, s’agissant du choix de la langue d’écriture, Kourouma se rend encore plus audacieux et novateur :
J’adopte la langue au rythme narratif africain. Sans plus. M’étant aperçu que le français classique constituait un carcan qu’il me fallait dépasser (…) ce livre s’adresse à l’Africain. Je l’ai pensé en malinké et écrit en français en prenant une liberté que j’estime naturelle avec la langue classique (…) J’ai donc traduit le malinké en français, en cassant le français pour trouver et restituer le rythme africain (Moncef S. Badday, 1970, p.2.).
Kourouma avoue enfin avoir choisi délibérément cette distanciation qu’il fait de la langue française à travers le malinké pour « restituer » la dynamique de sa pensée africaine proche des malinkés. Pour Lise Gauvin :
Écrire devient alors un véritable « acte de langage ». Plus que de simples codes d’intégration de l’oralité dans l’écrit, ou que la représentation plus ou moins mimétique des langages sociaux, on dévoile ainsi le statut d’une littérature, son intégration/définition des codes et enfin toute une réflexion sur la nature et le fonctionnement du littéraire. (Lise Gauvin, 2008, p. 6)
Le choix de la langue et du langage dans l’écriture n’est pas fortuit et répond de plusieurs représentions, projette des images liées à un horizon d’attente et à une reconnaissance d’un public lecteur cible. En effet, selon Lise Gauvin (ibid.) « la question des rapports écrivains-publics met en cause la lisibilité des codes culturelles et langagiers. ». De ce fait, Kourouma se livre à un transfert de code culturels ou langagiers malinkés par la transposition du malinké dans le français.
Par ailleurs, Kourouma refuse d’écrire un livre-univers et à travers une sorte de jeux de déterritorialisation et de reterritorialisation de la langue française, puis du malinké, donne un visage à son lecteur virtuel en l’occurrence l’Africain noir, le Malinké. « Si l’on n’était pas dans l’ère des indépendances (les soleils des indépendances, disent les malinkés) » (Les soleils des indépendances p.8). S’inscrivant dans le contexte postcolonial, la perspective narrative de Kourouma démontre son intention à rendre la parole aux sans voix et victimes de la colonisation à travers des trames fictionnelles et récits qui restituent la « douleur et l’effroi des anonymes, ces habitués au silence, ces vaincus ».
Kourouma présente une écriture pleine d’images au rythme de la parole africaine. Lise Gauvin (op.cit. p.87) selon elle : « d’un roman à l’autre, Kourouma crée (…) une nouvelle forme de récit, d’un roman à l’autre également, l’écrivain entretient un métadiscours sur la langue dont l’effet est de créer de nouvelles complicités avec ses publics ». A ce propos de Lise Gauvin s’ajoute celui de Makhily Gassama qui pense que « Kourouma a vidé les mots de France de leur contenu gaulois pour les charger, comme des colporteurs malinkés, de nouvelles marchandises, proposés à la consommation du francophone » (Gassama, 1995, p.119). Kourouma écrit : « il y avait une semaine qu’avait fini dans la capitale Koné Ibrahima, de race malinké, ou disons-le en malinké : il n’avait pas soutenu le petit rhume… » (Les Soleils des indépendances, 1970, p.57).
On note une coprésence de deux langues (le français et le malinké), mais surtout le narrateur met en lumière le conflit d’interprétation ou de signifiance entre les deux langues. « Disons-le en malinké : il n’avait pas soutenu un petit rhume ». Le narrateur par cette traduction montre clairement qu’en malinké la mort est exprimée de façon métaphorique. Kourouma casse et mélange le français avec la parole malinké.
Aussi assiste-t-on nous à une « désementisation » et une « recontextualisation » des mots et de la langue chez Kourouma et ce, pour se faire proche d’un type de lectorat particulier (francophone africain).
- AHMADOU KOUROUMA ET VENANCE KONAN : DEUX ECRIVAINS ENTRE LE « MARTEAU ET L’ENCLUME »
1-Ahmadou Kourouma, Venance Konan et le drame de la notoriété
Il est important pour un écrivain d’être connu car lorsqu’il ne l’est pas, il est possible qu’il soit en proie au doute concernant son métier comme le souligne Henry Bars : « Peut-être que je me trompe, peut-être suis-je cet « écrivain qui n’a point de talent » et qu’on voit, à côté du commis sans avenir… » (Henry Bars, 1963, pp 312-313). Par ailleurs « Le succès est pour tout artiste (…) une nécessité » disait Etienne Gilson (1951, p.248)
En d’autres termes, écrire, se faire lire, se faire reconnaître comme écrivain par l’institution littéraire et se constituer un lectorat fidèle est une préoccupation majeure de l’écrivain. Car cela témoigne non seulement de son talent d’écrivain mais aussi de son rôle d’acteur social clé. Dans un ensemble de stratégies posturales dévoilées par un ethos proche du peuple et une importante innovation structurale et langagière, Ahmadou Kourouma et Venance Konan n’échappent pas à cette noble ambition qui caractérise tout acteur du champ littéraire.
Ainsi Kourouma, avec Les soleils des indépendances son premier roman, obtient sur manuscrit, le prix 1968 de la revue québécoise Études françaises. Ensuite, Allah n’est pas obligé (prix Renaudot, Goncourt des lycéens) et En attendant le vote des bêtes sauvages (Grand prix Poncetton de la Société des Gens de lettres, prix du Livre Inter 1999). Quant à Venance Konan, après le Grand Prix Littéraire d’Afrique noire, qu’il a obtenu avec son œuvre biographique Edem Kodjo, un homme, un destin (2012), le Directeur général du Groupe Fraternité Matin vient d’obtenir le Prix Rabelais, décerné par l’Académie Rabelais à son roman Catapila, chef du village (2009)
Pour Odile Riondet, « Quel que soit le champ dans lequel un individu vit et agit, son objectif est de s’assurer une domination. L’objectif du littéraire ou du scientifique n’est pas différent : il cherche à conquérir une position prédominante » (Odile Riondet, 2003). Et Venance Konan de confier lors de la réception du prix Rabelais que :
C’est un honneur pour moi de m’inscrire dans la lignée des grands auteurs ivoiriens. Et pour moi, il n’y a pas de petit prix. Chaque prix a son importance. J’accueille celui-là avec le même enthousiasme avec lequel j’ai reçu les autres (…) c’est une nouvelle responsabilité pour moi. Je ne peux plus me permettre d’écrire comme ça [1]
Ainsi Kourouma et Venance dans un désir ardent d’appartenance à la mémoire littéraire nationale et internationale s’offrent-ils au « sacrifice » du positionnement littéraire dans leurs esthétiques littéraires et prolongées dans une épreuve de la massification. Zadi Zaourou citant Jean Marie Adiaffi déclarait que « les prix ont leur prix », puis il poursuit en disant : « Le prix ne peut pas toujours servir à percevoir le génie du créateur »[2]. Malheureusement, cette préoccupation de Zadi n’est pas l’apanage de certains auteurs et du monde des éditeurs obnubilés par le mercantilisme.
2-La place des éditeurs dans l’écriture et le couronnement d’Ahmadou Kourouma et de Venance Konan
Le secteur de l’édition est très concurrentiel. Le constat est que la plupart des livres sont édités à perte. Les éditeurs ne parviennent à la rentabilité que grâce aux très rares ouvrages qui se vendent à plus de 1 000 exemplaires et dont les bénéfices couvrent (éventuellement) les pertes qu’ils réalisent sur le reste de leur production. Autant dire que l’exercice est extrêmement périlleux et que les éditeurs qui gagnent vraiment leur vie représentent une infime partie de la profession.
Les grands éditeurs actuels, (Gallimard, Hachette, Flammarion, Le Seuil, Fayard, Grasset et plus tardivement, Albin-Michel) tous nées dans la période du 19è au 20è siècle (âge d’or du secteur de l’édition) sont tous dans une posture de concurrence. Elles assurent leurs positions et verrouillent la filière en empêchant l’émergence de challengers par divers procédés très efficaces (le contrôle des filières de distribution et la gestion des prix littéraires).
L’ère industrielle et commerciale qui s’est instaurée depuis lors, y ajoute les contraintes de présentation (marketing) et de maîtrise du réseau commercial, désormais indispensables à la vente de l’ouvrage et appelle par conséquent à une grande implication de l’auteur dans l’atteinte des objectifs mercantilistes des éditeurs. André Schiffrin déplorait en 1999 l’emprise toujours plus forte de la rentabilité sur les choix éditoriaux. Et cela crée une crise entre offre des écrivains et attentes des éditeurs.
Les maisons d’édition, fidèles à leur logique mercantiliste obligent leurs auteurs édités à s’inscrire sur la ligne stratégique « auteur-livre-client ». Et ceux-ci deviennent les commerciaux chargés de présenter la marchandise ‘‘livre’’. Ainsi, les éditeurs intègrent-ils les auteurs dans un processus marketing pour participer à la visibilité de la « marchandise livre ».
Jérôme Meizoz pense que « l’échange littéraire s’étant peu à peu calqué sur les exigences de la publicité et de l’image, ces mises en scène sont devenues partie intégrante d’une nouvelle manière d’envisager l’existence publique de la littérature » (J. Meizoz, 2007, pp.19-20). Kourouma et Venance ne sont pas exemptés de ce constat. Devenus otages d’une stratégie mercantiliste des éditeurs, Ils sont très médiatisés dans leur rôle d’auteurs-commerciaux. Ils donnent des interviews régulièrement dans les médias nationaux et internationaux pour, soit, expliquer ou justifier leur démarche scripturale, soit, pour prendre part à des débats politiques d’actualité du continent (une sorte d’opération de séduction du lecteur par une mise en scène de soi).
En outre, Kourouma (de son vivant) et Venance sont constamment proposés au concours des différents prix littéraires par leurs éditeurs respectifs. Chaque éditeur développe un lobbying autour de ses auteurs afin d’engranger des prix littéraires à même de booster son retour sur investissement. Car lorsqu’un livre est consacré prix littéraire, les lecteurs se précipitent à l’acheter et cela fait une bonne affaire pour l’éditeur. Par exemple en France selon le site Planet.fr, le prix Goncourt c’est au moins 400.000 exemplaires, le prix Femina compte entre 150 000 et 200 000 exemplaires écoulés en moyenne chaque année. Le Renaudot (200 000 exemplaires), le Goncourt des lycéens (130 000 exemplaires) et le prix Interallié (80 000 exemplaires).
Par ailleurs, les éditeurs toujours dans un souci de rentabilité, vont parfois à discuter la thématique et le contenu des futurs ouvrages de leurs auteurs consacrés pour maintenir la dynamique du succès. Kourouma en a fait les frais avec le manuscrit de Les Soleils des indépendances rejetés une première fois en France avant d’être par la suite édités au Canada en 1968 et réédité par Seuil en France. On assiste ainsi à une sorte de « livre commandé » non sans conséquence sur la valeur esthétique quelquefois. Chez certains grands auteurs comme Kourouma, la différence au niveau de ses publications se fait ressentir. Il y a un style répétitif qui donne une illusion de la continuité dans la tendance du succès commerciale.
Quant à Venance Konan, il est l’un des auteurs consacrés de la scène littéraire ivoirienne avec pour éditeurs les NEI/CEDA, Fratmat édition et Jean Picollec. Il développe une écriture au style très journalistique sans doute influencé par son statut de journaliste grand reporter. En outre, les principales thématiques de ses œuvres semblent bien motivées politiquement avec des personnages « troublants ». Evidemment que ses différents éditeurs n’y voient aucun inconvénient et se précipitent plutôt à le publier ; et cela dans une stratégie mercantiliste. Ce complot auteur-éditeur est amplifié par des sorties médiatiques, des dédicaces et autres échanges dans les milieux littéraires. Le retour sur investissement aux éditeurs est satisfaisant considérant que Venance Konan se positionnent parmi les meilleures ventes à chacune des sorties de ses œuvres. Par exemple Le rebelle et le camarade président (2012) a été un succès éditoriale (vendu à plus de 12.000 exemplaire).
Pour Rouleau Pascal (2010, pp115-121), l’éditeur, par sa capacité à agir sur les textes, peut leur permettre, quels qu’ils soient, d’être proposés aux publics qu’ils méritent. Les éditeurs aliènent ainsi la liberté d’écriture de certains de leurs auteurs et par-delà embrigadent le plaisir de lecture des futurs lecteurs. C’est sans ambages que les éditeurs servent parfois aux lecteurs ce qu’ils veulent qu’ils lisent en fonction de leurs intérêts mercantilistes.
III- KOUROUMA ET VENANCE, ENTRE PRESSION DU LECTORAT ET INFLUENCE DES ORGANES DE PRODUCTION : QUEL IMPACT SUR L’AUTONOMIE DU CHAMP LITTERAIRE
Le champ littéraire tel que conçu par Bourdieu (1992) distingue principalement deux composantes majeures ; lesquelles se précisent comme suit :
Le champ de production restreinte composé exclusivement d’écrivains ou de critiques et le champ de grande production qui, fondé par la logique mercantiliste rassemble prioritairement les éditeurs et autres assimilés qui interviennent dans la production matérielle du produit littéraire. Cependant le champ de grande production pourrait bien grossir et absorber certains écrivains qui positionnent leurs œuvres de façon mercantiliste. On s’achemine par conséquent vers un étiolement des frontières entre auteurs de champ de production restreinte et auteurs de champ de grande production.
Des écrivains qui produisent des ouvrages de culture de masse sont d’office acceptés dans le champ de grande production même s’ils appartenaient au départ au champ de production restreinte. L’instance économique introduit « des techniques de marketing (élaboration de modèles en vue d’un succès immédiat) et de procédures de diffusion par les techniques de lancement et de publicité » (Kola, op. cit. p.139). Les écrivains militent pour leur positionnement et leur reconnaissance sur la scène littéraire. Ils utilisent tous les canaux possibles (les technologies de l’information, les médias, réseaux sociaux, les dédicaces et conférences régulières). Ainsi y a-t-il une confusion de rôle et de procédés entre l’écrivain du champ de production restreinte et l’écrivain de masse (littérature populaire). Venance Konan se présente comme un écrivain à la fois de littérature de production restreinte et de littérature de masse. Dans Les prisonniers de la haine, il mélange les genres de la littérature de production restreinte (Roman, poésie…) à ceux de la littérature de masse (roman historique, épopée, etc). Son roman est une littérature de la rumeur sociale, des faits de société où les scènes érotiques abondent à profusion, les trahisons amoureuses comme on le voit dans la littérature à l’eau de rose ou littérature facile. C’est aussi le cas chez Kourouma qui dans ses positionnements et discours médiatiques adoptent parfois l’attitude d’un écrivain de masse. Au-delà du désir de notoriété, ces pratiques se justifient chez les écrivains prioritairement par le souci de garantir le retour sur investissement à leurs éditeurs afin de rester crédible et garder une bonne côte aux yeux de ceux-ci. Il y a donc une emprise du champ économique sur le champ littéraire et ses acteurs. Ce qui plonge inéluctablement le fonctionnement du champ dans une crise de semi-autonomie de ses frontières.
CONCLUSION
Cette étude avait pour objectif d’analyser l’interaction entre Kourouma, Venance Konan et leurs lecteurs virtuels, mais également leurs éditeurs. Ainsi nous a-t-elle permis de démontrer une relation à la fois heureuse et tumultueuse, voire inconfortable entre l’écrivain et les deux entités nommées (lecteurs et éditeurs). Les productions littéraires de Kourouma et de Venance Konan n’ont pu échapper à leurs responsabilités morales pour accéder à la stratégie de complicité avec les aspirations de lecteurs et surtout les attentes mercantilistes des éditeurs. Les actes énonciatifs et institutionnels de Kourouma et de Venance démontrent un éthos auctorial loin du désintéressement pour occuper une position de valeur dans le champ. Lecteurs et éditeurs, s’en sortent parfois bien dans leurs intérêts. Cependant, il faut noter que l’écrivain sort quelquefois amaigri et fragilisé dans le champ littéraire par l’attitude peu appréciable à la fois des lecteurs que des éditeurs. L’artiste écrivain se voit offrir une situation de semi autonomie. Et celle-ci bouscule par conséquent les règles de fonctionnement du champ littéraire. La logique économique ou mercantiliste des entreprises de production dynamite l’une après l’autre les frontières du champ littéraire. Plusieurs auteurs, avec la complicité certaine de leurs éditeurs rusent avec la reconnaissance des instances de consécration par des pratiques lobbyistes peu recommandées dans le champ. Désormais les instances de consécration du champ se voient concurrencer par la consécration médiatique qui relèvent plus du marketing des éditeurs pour positionner leurs auteurs et faire des profits.
BIBLIOGRAPHIE
Corpus
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[1] Venance Konan propos recueilli dans le Patriote du vendredi 20 mars 2015, consulté le 30 mars 2017 sur www.abidjan.net.
[2] Zadi Zaourou, Propos recueilli par David Ngoran dans une interview du 21 mars 2012, sur www.lebanco.net.